Un gars de Colmar, Didier Ruyer alias Mopo Mogo qui a fait plutôt fort, un unique single en 83, vital et primal. Inamovible. Allein est une anthologie parue en 2010 sur Euthanasie Records. Un must de minimalisme hardcore... Ci-dessous l'intégralité de l'excellente interview de 2010 par Jolicoeur.
- Par quoi va-t-on pouvoir (pouvoir connard!) commencer ?
- Ce dont je voulais vous parler pour commencer, c'est que bien entendu, après presque 30 années, ma
mentalité a beaucoup changé. Le fait d'avoir 2 enfants autistes, automatiquement je vois la vie quelque peu
différemment. Et donc la chose que je peux dire, c'est que je ne regrette pas du tout ce que j'ai fait dans
les années 80, c'est une évidence, que bon maintenant... C'est vrai que quand j'écoute les textes de l'époque, bon bin je me dis que je ferais plus les mêmes. Mais je fais d'autres choses où les textes sont différents mais sont toujours entre guillemets politiquement ou religieusement engagés.
- Tu ne fais plus de textes aussi crus et aussi violents, tu veux dire ?
-Disons que tous les textes que je fais maintenant, sont... Ils ont toujours un message qui passe quoi! J'ai toujours essayé de faire passer quelque chose. Sauf que je suis plus positif, ce n’est pas le mot, mais entre guillemets plus objectif et plus réaliste ! Mais c'est vrai que par exemple il y a des textes où je dis "Religion, religion, croyez au grand patron, religion, religion, vous êtes vraiment trop con", maintenant, je ne pourrais plus dire les mêmes choses.
-Tu fais donc encore de la musique ?
-Je prépare un CD avec les morceaux punks que je fais maintenant, dont un des morceaux est dans la chose que veut faire David. Je ne sais pas si tu as entendu une reprise de "Pouvoir" que j'aie faite avec Raphaël, tu te souviens de Raphaël ?
-Ouais, un punk suisse qui était passé chez toi il y a 7/8 ans environ, non ?
-Ouais, en fait, il était resté 3/4 jours à la maison et je lui ai fait écouter des morceaux punks que je faisais et il en a choisi un, il a dit, ça ce serait bien, on pourrait reprendre le texte de "Pouvoir". On a repris les textes de "Pouvoir" et de "Fuck off" et on les a chantés, je ne sais pas si je te les avais fait écouter ?
-Si, tu me les avais fait écouter... Mais là, c'est dans ce que t'as envoyé David ?
-David, il m'a envoyé ça. Donc, il y a "Pouvoir" remasterisé, "Fuck off" remasterisé, Le Curé De La
Lune, le morceau "Création" remasterisé, il y a ce truc là qu'on a fait ensemble avec Raphaël où Nanda fait des cris derrière et le morceau termine avec la fin de "Pouvoir" original... Et puis il y a 3 morceaux du concert au Marcaire. Si je peux faire une anecdote sur le concert, c'est que c'est passablement joué, pour la simple et bonne raison que j'étais un peu passablement éméché et que c'était au mois de janvier 83. Il est tombé 30cm de neige. J'ai voulu faire une entrée par derrière le caveau, parce que j'avais pris un ami à moi qui faisait des bruitages et je lui dis, tu commences par des bruitages, des bruits d'animaux, etc...
-Ca s'entend d'ailleurs sur le live...
-Ouais, et je dis, quand tu lances tout ça, les gens vont regarder vers l'entrée et en fait moi, je
viendrais par derrière et je rentrerai par une porte de secours et d'un seul coup je me mettrai à jouer, tu
vois pour faire l'ambiance. Le seul problème, c'est que j'ai attendu 10 minutes derrière la porte, donc avec moins 15 dehors, j'étais gélifié, j'avais les mains qui était glacées alors je n’ai pas réussi à faire les
accords...ça a donné ce que ça a donné !
-C'est presque du Spinal Tap ?
-Hé! Hé! Ouais, ça c'est l'anecdote du concert au Marcaire mais par contre, j'ai fait un concert à
Berlin qui a été enregistré et que j'ai écouté. C'était absolument super, l'enregistrement, tout ça et là
j'avais vraiment bien joué.
-Tu l'as écouté à l'époque ?
-Ouais, je l'ai écouté à l'époque, chez Mitch, le chanteur de Biggy Fozz et organisateur des concerts punk du centre autonome de Fribourg. Un jour, je suis arrivé chez lui et avec des autres, ils écoutaient le concert de Mopo Mogo à Berlin. Je lui ai demandé qu'il me fasse une copie et ça a été oublié comme des tas de choses parce que je partais dans un autre truc...
-Quelles sont les choses qui t'ont marqué à cette époque ?
-Les choses qui m'ont marqué beaucoup, bin ça a été le festival du AZ en 82 avec Die Toten Hosen et
Toxoplasma. En fait à ce festival de Fribourg, il y avait Die Toten Hosen, Toxoplasma, Harnröhre, Daily Terror, Total Oral, Biggy Fozz, Mopo Mogo et un autre groupe de Strasbourg mais j’ai oublié le nom. *
-C'est ce festival qui t'a un peu ouvert la voie ?
-Bin,
quand j'ai fait ce festival punk, Toxoplasma sont venus me voir et
m'ont demandé si je ne voulais pas faire une tournée en Allemagne avec
eux. Ils étaient super sympas !-Et tu l'as faite cette tournée en Allemagne avec eux ?
-Non, parce qu'à l'époque je travaillais... Fallait bien payer les amplis... Donc je n’ai pas fait la tournée avec eux en Allemagne mais quand je suis allé jouer à Berlin, avant on a fait un concert à coté de Stuttgart et ils ont joué avec nous. Pour le concert il y avait Harnröhre, Biggy Fozz et Mopo Mogo. On a dormi sur place et on est monté directement à Berlin. On a joué avec des groupes de Berlin du quartier du Kreuzberg.C'était super! Il y a eu une ambiance tout de suite. J'ai commencé à jouer et comme je chantais en français, d'un seul coup quand j'ai fini mon premier morceau, j'ai entendu des gens dans la salle "hey, mais t'es d'où ? De Paris? De Lyon ?" J'entendais des français un peu partout dans la salle et ma foi, ça a été un super concert à 10 mètres du mur. C'était dans un squatt et les fenêtres étaient fermées avec des matelas parce qu’il ne fallait pas qu'on puisse voir des lumières depuis Berlin est et alors, ils avaient enlevé les fenêtres et avaient mis des sortes de matelas ou de rideau, ce qui fait que des punks de Berlin est écoutaient le concert mais de l'autre coté du mur. L'anecdote de ce concert, c'est qu'ils ont failli ne pas me laisser sortir de Berlin. Parce qu'à l'époque, il y avait à peu prés 200 km à faire en Allemagne de l'est pour arriver jusqu'à Berlin, et donc tu devais obligatoirement faire un passeport sur place, une sorte de laisser passer avec des photos que tu devais prendre sur place. Donc nous, on avait nos crêtes et tout ça... Donc moi, j'ai pris une photo, ils m'ont fait le laissez-passer, ça passait sous un tunnel, enfin c'était assez affolant. T'avais un premier poste frontière, ensuite t'avais à peu près une cinquantaine de mètres de tapis roulant et ça allait à un 2eme poste frontière, donc, tu posais tous les papiers sur le tapis roulant, tac ! Ca partait, tu roulais doucement avec la voiture et quand t'arrivais à l'autre poste frontière, ils avaient vérifié les papiers et seulement là, ils te laissaient
traverser l'Allemagne de l'est. Donc t'avais des miradors à l'entrée comme tu vois dans les films, miradors avec des mecs avec des fusils mitrailleurs partout, des barbelés, bref... Donc tu devais rouler à 50km/h, maximum 70 km/h où c'était indiqué sur des routes hyper nickelles et tu pouvais sortir que dans les aires de repos qui étaient indiquées juste pour boire un coup. Tu ne pouvais pas aller ailleurs que la route. C'était tout grillagé de toute façon.
-T'avais qu'une chose à faire, c'était rouler sur 200 km quoi ?
-Ouais! Et donc quand t'arrives à Berlin, tu rentres dans le quartier bourgeois. Et au fur à mesure
que tu rentres dans Berlin, ça se dégrade et t'arrives au Kreuzberg. Et là, c'est entre guillemets, le chaos. Donc on a fait le concert et on a dormi. Et au retour quand je suis passé au poste frontière, j'ai donné mon passeport...
-Et là, t'avais changé de couleur de cheveux dans la nuit ?
-Non ! T'avais pas intérêt à changer tes cheveux. Non, c'est que j'ai les yeux verts noisettes. Et à
l'aller, il ne faisait pas beau, quand on est revenu le lendemain, il y avait un super soleil, mes yeux
étaient tout verts. Et donc, je suis passé, il a regardé et il a dit : Non, non, vous autres, vous pouvez
aller mais lui il reste là parce que ce n’est pas lui qui est sur la photo. Alors ça a duré une heure et là
j'ai eu les boules ! Parce qu'il insistait, il poussait même les autres, il disait : Allez, foutez le camp !
-Mais c'était pour te faire chier, non ? Il devait bien savoir que les yeux peuvent changer de couleur selon la lumière ?
-Bien sûr ! Ca se voyait bien que c'était moi, mais c'était pour emmerder ! Parce qu'en même temps,
c'était assez facile de faire une crête à peu prés pareille... En tous cas, on est resté une heure et de
toute façon, les autres ne seraient pas partis sans moi. Ca s'engueulait en allemand. Moi je ne comprenais rien, je me disais juste, pourvu qu'ils trouvent une solution. Et puis bon, après une heure, ils m'ont laissé partir. Ca, c'était pour l'anecdote. Maintenant, il y a plus ce souci... *
-Je dirais presque que c'est dommage parce que t'as vécu quand même quelque chose d'exceptionnel!
-Ce truc là, à Berlin, ça m'avait marqué. Parce que le fait de jouer avec Toxoplasma, tout ça, d'être remonté, d'avoir traversé Berlin, de jouer. En plus, il y avait une super ambiance. Et puis bon, j'avais jamais vu autant de punks de ma vie. Quand on est arrivé dans le Kreuzberg, tu voyais des crêtes de tous les cotés! Rien qu'en arrivant, tu devais avoir sur la place peut être 200 punks.
-Et le punk était coloré à cette époque ?
-Ah oui, à l'époque, il y en avait qui se trimbalait avec des machins de 40 cm sur la tête.
-Et toi aussi, tu étais crétin ?
Non, j'ai eu une crête à une époque, toute simple. Une crête classique, noire et jaune mais j'avais surtout une coupe à la Johnny Rotten, mais par contre, j'étais toujours bien coloré, rouge, vert...
-Toujours maintenant, d'ailleurs !
-Ouais! Hé, hé... *
-Mais comme sur "Chaos En France", t'avais un look assez particulier. T'avais quoi, t'avais une casquette de marin avec un caban?
-Là, je m'étais fait un look assez rigolo parce que j'avais trouvé une veste de smoking sur laquelle j'avais mis de la peinture. J'avais la crête noire mais là, pour la photo j'avais mis une casquette de marin.
-Ce qui fait que sur la photo, tu fais plus marinier que punk...
-Ouais et ça va de soi, la photo a été prise dans un endroit sombre... C'était tout simplement les toilettes publiques de Colmar...
-On va quand même parler du début. Je voulais savoir comment tu en étais arrivé au punk ?
-Alors là, ça va te faire rire. C'est Plastic Bertrand ! Parce qu'en 1977 quand il a sorti "Ca plane pour moi", ça m'a flashé !
-T'avais quel âge à cette époque ?
-17 ans et j'avais les cheveux longs et j'écoutais beaucoup de hard rock et de la variété ... Et d'un seul coup, on entend Plastic Bertrand à la radio. "Ca plane pour moi" et ça m'a flashé. Pourtant c'était très différent de ce que j'écoutais mais il m'a flashé et j'ai acheté le 45tours. Ce qui m'a surpris c'est quand j'ai écouté la face B, c'était aussi bien même mieux, parce que là Mamamama pogo pogo, ça m'a plu plus que la face A.
-Et c'était à Colmar ?
-Non, à l'époque, je vivais dans les Vosges, à Fraize. C'était un patelin très... retiré si tu préfères. Et je ne trouvais rien dans la musique, dans les disques qui ressemblait à ce morceau de Plastic Bertrand. J'avais même jamais entendu parler de groupes punk, ni rien du tout. Et un jour en regardant la télé,
il y a un reportage et c'était un reportage punk sur ce qui se passait en Angleterre. Et là j'ai découvert les punks à travers ce reportage qui durait une heure. Les Pistols, Clash et tout ça... Mais bon, ce n’était pas évident de retenir les noms. Mais ça m’a quand même parlé si je puis dire...
-Parce que t'habitais dans un village ?
-Ouais, un petit village dans les Vosges a à peu prés une quarantaine de kms de Colmar.
-Donc vraiment un trou perdu ?
-Ce n’est pas que c'est perdu mais ce n’était pas informé quoi ! Le seul dépôt de disques qu'on pouvait trouver, c'était où on achetait une chaine hifi et on trouvait que des trucs que tu entends à la radio ou des disques de hard rock mais le punk n'était pas arrivé jusque là-bas. Et puis bon, si tu veux ça passé.J'écoutais souvent "Pogo pogo" et ensuite il a sorti "Sentimental moi" et je me retrouvais pas dedans. C'était déjà très différent. En 1979, je suis parti vivre à Colmar et là-bas, il y avait plus de facilités.
-Parce que, il y avait des punks qui trainaient là-bas ?
-A l'époque, ouais. Mais comme j'étais avec de amis à moi qui était plus baba cool et qui écoutaient plus Ange ou des groupes comme ça. Ils n’étaient pas très orientés, par contre il y avait un ami à moi qui écoutait de la new wave, et il m'a fait écouter The Cure. J’ai tout de suite apprécié et il m’a fait découvrir une discothèque, le Marcaire.
-Là où tu as fait le concert ?
-Exactement. C'était un caveau et ils étaient hyper branchés new wave. Et alors j'ai découvert Cure,
Billy Idol, Charles De Goal, Métal Urbain, Depeche Mode, etc... Et puis de là, il y avait des punks du centre autonome de Fribourg qui venaient de temps en temps parce qu'ils connaissaient la patronne. Et de là, j'ai découvert le centre autonome, j'ai rencontré mon ami Achim, qui était le chanteur de Total Oral et là j'ai le 45t de Plastic Bertrand "Ca plane pour moi"
-C'était en quelle année ça ?
-Bin, en 81... Et c'est là que je suis allé chez le coiffeur et que je me suis fait une crête, et hop, c'était parti!
-Ta mère a dû être contente...
-Ah bin c'est sûr que le choc... Surtout quand je suis venu la voir avec le perfecto et le rat dans la poche. Et puis j'ai découvert tout de suite les groupes de l'époque, les Dead Kennedys, Discharge, Bad Brains, Peter And The Test Tube Babies. Et puis Killing Joke qui m'a aussi beaucoup marqué. Et donc ça m'a pris aussi l'idée de faire de la musique. Alors comme je ne savais pas jouer de la guitare mais que j'avais vu des groupes qui jouaient en accord ouvert alors j'ai accordé ma guitare comme ça et je jouais qu'en barré. J'ai mis une super distorsion et puis c'était parti quoi ! Ouais, mais ce qu'il y a, c'est que ça a été très vite. En l'espace de quelques semaines, j'avais déjà commencé un répertoire. Et puis Achim, mon copain de Total Oral qui est maintenant directeur d'un centre pour enfants à Mulhouse, tu vois comme quoi... C'était pas mal ce qu'il faisait lui aussi. Ils étaient à 2, lui guitare/chant et le batteur Ralph, jouait debout, tu sais comme les Stray Cats. C'était punk rock mais bien construit. Donc j'ai commencé à jouer dans mon studio. Pas mon studio d'enregistrement, le studio dans lequel j'habitais. Bien entendu, j'attendais que tout le monde parte, parce que c'était que des bureaux et je commençais à jouer. Mon système était très simple, j'avais une pédale de distorsion avec 2 sorties. Une des sorties allait dans un ampli avec un son saturé, et la deuxième sortie je passais la même guitare mais avec des effets phaser, etc. Ce qui fait que j'avais 2 sons de guitares très différents.
-Et t'avais jamais joué de guitare avant ?
-Non ! Mais tout en accords ouverts et comme je me sciais les doigts, je mettais du scotch. Et la
boîte à rythmes était une boîte à rythmes classique qui ressemblait pas mal à celle de Métal Urbain, parce qu'à l'époque, on avait rien d'autre, on avait ce qu'il y avait sur le marché. Et j'avais aussi un synthétiseur, un Korg. C'était un synthétiseur d'effets avec des fiches. Donc je cherchais des explosions, je cherchais tout ça, je le mettais aussi par terre et quand je donnais un coup de rangers sur le clavier, ça explosait. Si je changeais les fiches, ça faisait du vent. Donc, c'était à droite la boite à rythmes, à gauche le synthétiseur, la guitare en accords ouverts, le micro, 2 amplis derrière, boom ! Ca partait !
-Et donc, tu veux dire qu'à partir du moment où tu as découvert le punk underground on va dire, quelques semaines après tu avais le look, tu as fait de la musique et t'avais déjà un répertoire ?
-Quelques semaines après, j'avais déjà fait mon premier concert. Ca a été très, très vite !
-C'est incroyable ça! Alors qu'avant tu étais plutôt branché hard rock et t'avais les cheveux longs ?
-Ah oui! La transformation s'est faite en quelques semaines, et puis d'un seul coup ils avaient l'habitude de voir Momo le punk à Colmar avec sa crête. Disons qu'en quelques semaines je suis devenu la curiosité de Colmar.
-Et comment t'étais perçu en tant que punk à Colmar ?
-Tantôt bien, tantôt mal ! C'est qu'avec ma crête et un rat sur l'épaule, ce n’était pas du goût de tout le monde.
-T'avais pas de problèmes avec les beaufs ou avec les rockabilly ?
-Avec les beaufs comme tu dis, c'était même plutôt sympa, ils rigolaient pas mal mais ils ne m'ont jamais embêté. C'était différent avec les douaniers, ils m'ont fouillé plusieurs fois dont une fois en intégral. Pour les rockabilly, un de mes meilleurs copains, Fredi (110kg de muscles) était le "chef" des rockabilly de Colmar... On aimait bien écouter ensemble les Stray Cats.
-Et dans ton travail ?
-Le directeur de la papeterie (Mr Flossia) où je travaillais, était très sympa. Et puis pour lui, tant que je faisais mon travail, le reste, il trouvait ça original.
-Y'avait il d'autres punks à Colmar ?
-Ouais, quelques uns, mais ils n’étaient pas aussi excentriques. Il y avait mon ami Philippe et
aussi Hervé, un skinhead très sympa avec qui je passais la plupart de mon temps à Fribourg, là c'était
différent, il y avait pas mal de punks de toutes les couleurs.
-Revenons en à ton évolution dans le punk, comment ça s'est passé exactement ?
-J'ai tout de suite fait mon premier concert au Crash, enfin au centre autonome de Fribourg. C'était réparti en plusieurs salles, la salle de concert, la salle pour les hippies, enfin... Les babas, où ils écoutaient du jazz et tout ça. Tout le monde était ensemble, ça aussi, c'était un truc qui était assez surprenant. On côtoyait tant les punks, que les skinheads, que les babas cools, que les rockabillys. Tout le monde arrivait avec son look, avec sa musique. Et alors, ils avaient fait un endroit pour tous et le Crash, c'était pour ceux qui écoutaient du punk hardcore. Et c'était assez surprenant parce que l'ambiance était très ouverte, il y avait pas de tabous, ni rien. Et donc, j'ai fait un concert au Crash, j'ai demandé à Achim... Comme ça improvisé, on a pris des amplis, j'ai mis les 2 amplis derrière comme je faisais dans mon studio. Pam! Pam! Je suis parti un vendredi soir ou un samedi je sais plus, et j'ai fait mon premier concert. Tout le monde est resté baba, parce qu’ils n’avaient jamais vu quelqu'un qui jouait comme ça tout seul et qui faisait autant de bruit.
-Quelques semaines seulement après avoir découvert le hardcore ?
-Je ne veux pas dire trois mois mais... ça n’a pas dépassé les 4 mois! Et tout de suite quand j'ai fait ça, Mitch m'a dit qu'ils organisaient bientôt un festival avec Toxoplasma, Daily Terror, Biggy Fozz etc… et il m'a demandé si je ne voulais pas faire l'ouverture.
-C'était en quelle année ça ?
-Je sais plus... C'était fin 81 ou début 82. J'ai plus les dates tu sais. Mais la poussée punk a commencé entre 80 et 81. La découverte du centre autonome ça devait être mi 81 par là et fin 81, j'étais déjà dedans et boom ! Après c'était parti. J'ai fait ce festival, quelques autres concerts toujours au AZ, une tournée jusqu'à Berlin, et deux concerts en France. Un à Colmar et l’autre à Munster au Caveau du Marcaire (le concert que David a remastérisé). Et puis il y a eut le contact avec Stéphane (Punky de Chaos Productions / Komintern Sect) de Chaos en France. On les avait fait venir pour un concert inoubliable pour Stéphane, parce qu'ils étaient dans un état... Ils ont vraiment bien joué (Komintern Sect le 7 mai 1983), mais ils étaient bourrés ! Mais bon, on est resté ensemble avec lui et puis Thomas et je leur ai fait écouter la k7. Ils ont trouvé pas mal et je leur ai laissé la k7 et après ils m'ont contacté pour la compile "Chaos En France". Mais entre temps j'avais fait la compilation "Colmar Futur" et je commençais à être sollicité par Roland pour jouer dans Cry Havoc et je jouais beaucoup moins parce que ça m'a plus plu d'organiser des concerts avec Philippe mon copain français qui était resté en Allemagne, et Mitch. Et là, tous les groupes que j'aimais j'ai pû les voir directement. Et même boire un coup avec eux, comme avec Bad Brains, c'était absolument dément. Ils étaient vraiment éclatés ! Les Peter And The Test Tube Babies, eux nous ont fait un super concert, et les Toy Dolls, alors là, le mec à la guitare, je me demandais comment il faisait ça. Et alors sur scène... Tu sais Toy Dolls ils avaient des morceaux très rapides et des morceaux plus lents, mais en fait sur scène, tout était à la même vitesse ! Et puis aussi les Lords Of The New Church, c'est là que j'ai découvert que le chanteur était plutôt petit. Les Gun Club mais le concert était... c'est pareil, ils étaient défoncés.
-Et toi par rapport à la drogue ?
-Ah, non, jamais ! C'est à dire si ! Des joints mais j'ai jamais touché aux drogues dures. Par contre des copains à moi, il y en a un paquet qui sont partis.
-Pas d'excitant donc ?
-Non ! Parce que la musique punk, le hardcore me percutait tellement émotionnellement que j'avais
besoin de rien d'autre. Par contre, je picolais et je fumais beaucoup. Le whisky coca, la bière, ça
descendait !
-C'était quoi les groupes que tu écoutais à l'époque ?
-Et bien j'écoutais Mopo Mogo, Pomo Gomo, Mogo Pogo, Gomo Momo, Momo Pogo etc... les classiques quoi!!! Bien ! Fini de blaguer. Une interview c'est sérieux !! Disons que j'écoutais beaucoup de groupes connus et moins connus. Par exemple Abwärts a fait un concert du tonnerre en 82 au AZ à Fribourg ainsi que Die Toten Hosen au festival dont j'ai fait l'ouverture... Autrement, je peux te faire une liste très incomplète sans ordre de préférence vu que je vais rassembler mes souvenirs au fur et à mesure : Mopo Mogo, Pomo Gomo... non... promis j'arrête ! Dead Kennedys, Hüsker Dü, Discharge, G.B.H., Toy Dolls, Peter And The Test Tube Babies, The Ramones, les Pistols, The Clash, The Cure, Bauhaus, Killing Joke, P.I.L., Toxoplasma, Daily Terror, Métal Urbain, Gogol, Les "Chaos En France" évidement, The Beat, Charles De Goal, Plasmatics, Crass., Love & Rockets, Virgin Prunes, Police, Exploited, Stray Cats, Téléphone, Trust, Metallica, Judas Priest, Dead can Dance, Bad Brains, Lords Of The New Church, les Bérus etc....je dois en oublier pas mal, mais beaucoup de noms m'échappent....
-Quels sont ceux qui t'ont influencé ?
-Tous je crois, mais jouant seul avec une boite à rythme, je ne pouvais pas m'embarquer trop loin.
-Tu travaillais à coté ?
-Bin, oui ! Il fallait bien que je ramène de l'argent!
-Tu travaillais où ?
-J'étais en fait dans ma profession, puisque j'ai fait des études de papetier et donc je travaillais sur une machine à papier à Turckheim, en équipe, ce qui me permettait d'avoir du temps libre. Mais j'avais pas tous mes weekends. C'est d'ailleurs pour ça que j'avais pas pû faire la tournée avec Toxoplasma parce que je pouvais pas laisser mon travail. C'était beau l'histoire du punk no future mais on avait pas d'autres moyens d'avoir de l’argent que de travailler ou de faire du trafic ou de vivre de sa musique, mais j'en étais pas là!
-Et c'est à cette époque là que tu étais D.J. aussi ?
-Ouais, parallèlement! D'abord au Marcaire, je remplaçais quelques fois le D.J. Je sais plus son nom, c'était un américain... Ah si ! Norbert ! Mais pas beaucoup de fois je l'ai remplacé. Par contre après, en 85, au caveau du poisson rouge à Turckheim, je l'ai été plus souvent avec mon ami Patrick qui lui était disc jockey attitré. Il faisait ses études et quand il était pas là, je le remplaçais. C'était disons bien new wave. On passait du Killing Joke, Dead Can Dance, Cure... etc
-Et pour revenir à Mopo mogo, le disque, c'est toi qui l'avais sorti ?
-Ouais, ça c'était en 82 ou début 83. C'était dans la lancée de ma découverte du punk. J’ai tout de suite cherché à faire un 45 tours.
-Et il te venait d'où ce surnom de Momo (pogo) ?
-De Monalisa... j'avais équipé mon Autobianchi abarth avec laquelle je faisais des courses et des slaloms (de 1979 à 1981) avec une CB. Mon surnom était Monalisa. Mais tout le monde a vite trouvé que c'était trop long, alors ils ont raccourci à Momo.
-Et Mopo mogo, Momo pogo, c'était à cause de la chanson de Plastic Bertrand ?
-Non. C’est qu’au départ je me suis appelé Allein (seul), mais les copains Allemand ils aimaient pas, ils préféraient Momo... et alors j’ai utilisé le pogo (la danse des punks) et momo vu que les copains criaient pendant le concert "Momo pogo". Au lieu de Momo pogo j’ai intercalé les syllabes Mopo Mogo.
-Et Le Curé De La Lune, pareil, c'est toi qui l'a sorti ?
-En 83, le Curé De La Lune... Bin, comme il y avait des autres groupes à Colmar, il y avait Non Coupable et comment ils s'appelaient les autres... Faudrait que j'aie la pochette sous le nez (NdJC: Assurance Vie et Los Crados). Non Coupable, je m'en rappelle bien parce que c'était le groupe de mon ami Francis Keller qui est devenu un dessinateur attitré dans le Haut Rhin pour faire des bandes dessinées sur l'Alsace et tout ça.
-C'est lui qui a fait la pochette ?
-Ouais, c'est lui. En fait, c'est le quartier le plus vieux de Colmar avec la maison Pfister, une maison qui date du XVIème siècle et qui a vraiment une histoire. Et donc on a pris la photo, enfin il a dessiné la pochette. Par contre l'idée était de moi. C'est moi qui ait contacté les groupes mais on a fait la compile ensemble.
-C'est assez différent de Mopo Mogo en fait Le Curé De La Lune ?
-J'avais fait un truc assez batcave parce que je commençais à écouter beaucoup Virgin Prunes.
-Et pourquoi t'as changé de nom ?
-Bin parce que la musique était différente. Mais je sais pas comment ça m'est venu de m'appeler Le Curé De La Lune...
-Et c'était quoi tes influences ? Parce que tu as commencé à répondre mais tu parles que de Virgin Prunes.
-Oui, parce que la composition (mis à part le texte) était très proche d'un morceau de Virgin prunes, mais je ne me souviens plus du titre.
-Et t'as fait d'autres enregistrements avec Le Curé De La Lune ? Ou des concerts ?
-Non, parce que je jouais basse, batterie, guitare. Comme je jouais de tous les instruments. Bon c'est 2 accords tout simple !
-Et tu jouais de la batterie aussi ?
-Ouais. Une batterie électronique et il y avait ma boite à rythmes derrière. Et donc j'avais pas assez de bras pour tout faire en même temps !
-Et donc à ce moment là, Mopo Mogo c'était fini ?
-Je crois qu'après Le Curé De La Lune, j'ai plus fait de concerts. Parce que j'étais plus pour aller voir des concerts, voir les groupes... Et puis j'étais tellement bien avec mes amis de Fribourg que j'étais tout le temps avec eux pour préparer les concerts, pour les aider dans la salle, pour aller chercher la bière, parce qu'il fallait bien boire. Donc en fait, ça me plaisait presque plus d'être avec eux pour organiser et voir les groupes quoi !
-C'est à ce moment là que tu as fait Cry Havoc ?
-Voila, c'est là que j'ai été sollicité par Roland, parce qu'il avait monté son groupe et il est venu me demander si ça m'intéressait de chanter. Je lui ai dit oui mais moi je chante en français, parce que je sais ni parler allemand ni anglais. Il m'a dit non, en français, mais on veut des textes qui nous conviennent. Donc j'ai fait des textes qui parlaient de spiritualité, de vie après la mort et tout ça, il m'a dit j'aime bien, ça va.
-Et qu'est ce que vous avez fait avec Cry Havoc ?
-Sept concerts environ, dont un au festival en plein air de Fribourg. Un très bon souvenir d'ailleurs !
-Qu'as tu fais après Mopo Mogo, Le Curé De La Lune, Cry Havoc ? Encore de la musique ou tu as changé complètement de vie ?
-Je continue dans la musique et j'ai d'ailleurs un vrai/faux live à te faire écouter, Mopo Mogo 2005, "Live dans un espace punk". Pour ce qui est du changement de vie, celui ci est arrivé tout seul si je puis dire, vu que je suis papa de deux enfants autistes, Nicolas 16 ans et Alexis 11 ans.
-Comment as-tu atterri en Bourgogne ?
-Très jeune, je me suis intéressé aux arts martiaux et même durant les années 80, je m'entraînais régulièrement avec mon nunchaku et mon bo. La pratique de la méditation m'a conduit aux temple des milles Bouddhas en Bourgogne où j'ai connu la future maman de nos deux autistes.
-Qu'est ce que tu penses du mouvement punk maintenant ?
-Et bin, disons que j’en pense pas grand-chose, vu que ma vie a tellement changé depuis 25 ans. Je
suis "largué" comme on dit. De plus, avant la naissance de Nicolas et Alexis, j’ai consacré beaucoup de temps à la méditation et à l’étude de la philosophie orientale et plus particulièrement au bouddhisme tibétain. Et c’est seulement ces 5 dernières années que via internet je m’informe un peu plus sur tout. L’éducation des autistes est très compliquée, je pourrais dire était très compliquée, parce que maintenant que Nicolas est plus grand, beaucoup de choses sont plus faciles, part rapport aux changements, aux interdictions, aux rituels autistiques comme cela est appelé dans le jargon psychologique.
-Est ce que tu as un petit mot à dire à ceux qui vont écouter ton disque ?
-Merci en premier lieu, parce qu’il est toujours agréable d’être apprécié dans une œuvre artistique... Et si je pouvais laisser un message je dirais comme je le chante dans une compo punk hardcore de maintenant : "You can appreciate your Life". C’est une phrase que j’ai tiré d’un des livres de Chögyam Trungpa Rinpoché : Shambhala. The Sacred Path of the Warrior (le titre en français est : Shambala. la voie sacrée du guerrier).
A1_Pouvoir
A2_Fuck-Off
A3_Création
A4_Pouvoir (version 2)
B1_Travailler pour mieux crever !
B2_Fuck-Off (live)
B3_Religion (s)
B4_Sur ta gueule
B5_Assez ! Assez !
B6_L.S.D.
A1 & A2 enregistré en 1982 (single)
A3_enregistré en 1983
A4 enregistré en 2003
B1 à B6 enregistrés live à Munster en 1983
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